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Pêcheur au Sénégal



Il fait chaud, il n'y a pas un pouce de vent, la savane à baobab défile au ralentie, je ne sent plus mon bras gauche ni une partie de mes fesses, coincée entre une doudou au boubou coloré et la portière déglinguée d'un clando. Nous nous dirigeons vers le carrefour pour changer de moyen de transport. Plaisir simple que de se déplier, de retrouver l'usage de son bras malgré les fourmis qui le parcourent et le rendent douloureux. A peine le temps de prendre une bouffée d'air chaud et poussiéreux avant de sauter dans un Ndiaga Ndiaye. Pour une fois que nous voulions attendre ! Assise au milieu sur le siège pliant comme les strapontins du théâtre, entre un immense Sénégalais aux épaules bien larges et une femme dont les genoux sont chargés de sacs, ma fille sur mes genoux. C'est reparti pour un tour, sono à fond toutes vitres fermées pour se protéger du courant d'air, sur une route heureusement en bon état, jusqu'au « garage » de M'bour. Une heure de ce traitement juste pour faire quelques emplettes de calebasses au marché. Nous profitons de ce moment de mobilité, certes réduite par la concentration de chalands dans les ruelles du marché, pour respirer un peu l'odeur de poisson fumé et séché, un « régal » pour nos narines peu habituées à ce genre d'exercice. Pour changer d'air nous décidons de faire un tour sur la plage, pour profiter cette fois-ci de l'odeur de poisson frais, ou pourrissant sur le sable faute de glace pour le conserver, quand nous rencontrons Soulémane. Il est pêcheur et nous lui posons quelques questions quand il nous propose de nous faire vivre un peu son quotidien.

" Su nugal ! Notre pirogue ! "

Ils sont environ 60 000 pêcheurs artisans, qui, chaque jour, cherchent en mer de quoi vivre et faire vivre diverses communautés. La pêche est la principale ressource du pays. A eux s'ajoutent les femmes transformatrices, les mareyeurs(es), les charpentiers, les transporteurs, ainsi que les fabriques de glace pour la conservation, les fabricants de glacières en polystyrène et sac de riz, les vendeurs et revendeurs sur les marchés... Ce secteur compte plus de 600 000 personnes qui dépendent du poisson pour vivre. Sans compter la population locale : si le sénégalais est parmi le plus grand consommateur de poisson (3ème au rang mondial), 35 kgs/ pers et par an, c'est grâce au poisson de la pêche artisanale. Il apporte des protéines, y compris aux plus pauvres et contribue à améliorer la nutrition et la santé des populations.

La diminution des ressources, la hausse du prix du carburant, les coupures d'électricité qui font augmenter le tarif de la glace de façon exponentielle à certaines périodes de l'année, les prix dérisoires qui sont offerts pour le poisson d'exportation vendu sur les marchés ; mais aussi à cause de l'arrivée massive de nouveaux venus dans ce secteur, ainsi que le pillage des fonds marins par les chalutiers d'autres pays, mettent en péril cette activité vitale et traditionnelle. En effet les grands bateaux usines asiatiques ou européens qui pêchent au large ont considérablement réduit les stocks de poissons depuis plusieurs années.

De 460.000 tonnes de poisson en 1997, la production est passée en 2001 à 405.000 tonnes...Pourtant, dès 2006, les accords UE-Sénégal qui autorisaient la pêche aux pays Européens dans les eaux sénégalaises sont terminés. Les pêcheurs européens ne lâchent pas prise. Pas question de confier les ressources marines aux Africains seuls. À Dakar, les pêcheurs sénégalais dénoncent les sociétés écrans montées pour couvrir les intérêts étrangers alors que la mer se vide. Les ailerons de requins se retrouvent aussi sur la plage à sécher, pur l'exportation. Beaucoup de pêcheurs le déplorent. Les dents sont vendus aux touristes, notre fils joue avec une mâchoire, mais elle restera là. Education à la protection de l’environnement en live. La pêche est un métier dangereux (changements brusques de la météo, pluie, vents violents, vagues très fortes ) partout dans le monde, mais l'est particulièrement lorsque les pirogues sont ouvertes, que les hommes sont nouveaux dans la profession et pas toujours bien formés. De plus le littoral de l'Afrique de l'ouest est peu hospitalier. Les falaises, les forts courants ainsi que le manque de port naturels compliquent la tache des marins en cas de coup dur.

Les pirogues :

Les pirogues sont de véritables objets d'arts creusés dans le tronc d'un fromager. Ce bois dur imputrescible et lourd sert de fond au bateau puis des planches viennent rehausser de plusieurs dizaines de centimètres les bords de la pirogue pour les rendre presque insubmersibles. Les bois, qui viennent de Casamance sont l'iroko, le teck, le foumbam, le caïsédrat. Entre chaque planche clouée l'étanchéité est faite de colle puis de goudron. Les clous mesurent de 20 à 50 cm et sont enfoncés grâce à un marteau pesant 15kg. Le travail est difficile et répétitif, sous un soleil de plomb. Le temps de fabrication d'une pirogue de 15m dure environ 3 mois et coûte environ 6 millions de CFA (environ 9000 euros). Toutes sont colorées (vert, jaune, rouge les couleurs du pays), avec selon l'inspiration de l'artiste des motifs différents, mais toujours en relation avec la mer et la protection des hommes. Elles sont baptisées, souvent du nom de la femme, de la sœur ou d'un cheik important avant la cérémonie (celle-ci est différente selon si ce sont des Lébous ou des Sérères) de la mise à l'eau. Une pirogue a une durée de vie d'environ 10 ans, ou plus si elle est entretenue régulièrement (peinture).


Le rôle des femmes :

Les conditions de travail et de vie sont précaires et difficiles pour les hommes mais aussi pour les femmes qui sont actives dans la pêche artisanale. Elles sont présentes sur toutes les plages de débarquement attendant l'arrivée des bateaux pour transformer le poisson, gérer la revente sur les marchés.... La plus grande partie des pêcheurs sont des Lébous ou des Sérères dont la pêche est le mode de vie traditionnel transmis de père en fils. Dans ces communautés les garçons partent très jeunes en mer. Les petites filles, elles, suivent leur mères au marché pour apprendre le métier de mareyeuse, de transformatrice, pour acquérir les techniques de fumage et de séchage du poisson, ainsi que la préparation de certains produits comme :

- le kéthiakh, sardines braisées, salées et séchées;

- le sali, poissons salés et séchés;

- le tambadiang, petits poissons salés et séchés entiers ou parfois en morceaux;

  • le guédj, poissons fermentés et séchés;

  • le yeet, gastéropodes fermentés et séchés,

  • le yokhoss, huîtres séchées...

Les belles coquilles de ces coquillages sont revendues aux touristes. Sinon elles sont broyées pour faire de l'engrais dans les champs. Elles peuvent également rentrer dans la composition du ciment dans la construction des maisons. Certaines jeunes filles trouveront du travail dans les centres de transformation de séchage et de fumage. Les conditions de travail sont difficiles, précaires....ce qui multiplie les accidents, les problèmes de santé, sans oublier le problème de l'éviction scolaire.

Les familles de pêcheurs sont aussi très touchées par le Sida. La pêche, en raison de la promiscuité, des migrations et des déplacements des pêcheurs, génère des comportements à risques. Les pêcheurs contaminés contaminent leurs épouses et c'est toute la communauté qui est victime de ce fléau. Les pirogues emportent maintenant les marins mais aussi les forces vives du pays (les plus jeunes) vers les Canaries, l'Europe dans l'espoir d'un avenir meilleur....


La pêche au filet en mer en pirogue :

Les petites et moyennes pirogues sont vouées à la pêche journalière et très côtière. Elles embarquent 2 ou 3 marins, ou 7 pour les moyennes. Le départ est fixé à 5h du matin, le retour est vers 12H. Les grandes pirogues de 15m ou 20 m servent pour les pêches de 2 à 3 semaines, avec à leur bord une trentaine d'hommes. Les plus grands ports étant M'Bour, St Louis et Dakar. Le ravitaillement se fait directement sur la plage : essence, glace (1 tonne pour 3 caisses), eau, riz, charbon de bois, une jante de voiture pour poser le foyer et éviter que le riz ne se renverse lors de la cuisson. Les pirogues paraissent déjà surchargées au départ alors qu'elles rentreront avec 2,5 tonnes de poissons à bord (lottes, carpes rouges, thiofs (mérou), sardines...)

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La pêche à la senne :

Cette pêche se pratique avec un filet de 150 à 200 mètres de long. Les pécheurs entrent dans l'eau en tirant le filet perpendiculairement à la plage, ils avancent ensuite parallèlement à la côte avant de rabattre le filet sur le sable. C'est une pêche extrêmement physique et épuisante. Elle est aujourd'hui illégale car les mailles du filet ainsi que la technique ne permettent pas une sélection des poissons. La pêche est alors riche en bébés ou juvéniles de barracudas, espadons....ce qui contribue à la disparition des richesses halieutiques. La technique est encore pratiquée car pour les pêcheurs qui n'ont pas les moyens d'acheter une pirogue ou un moteur l'interdiction a été une catastrophe.

La pêche à l'épervier dans les mangroves de la Somone, du Sine Saloum ou dans les bolongs de Casamance :

Cette pêche est une grande spécialité sénégalaise grâce aux étendues d'eau saumâtre au milieu des palétuviers et des îlots de mangrove. Cette pratique est difficile et peu rentable mais pratiquée dans l'estuaire du fleuve Casamance. La pêche s'est développée au début des années 50 avec l'arrivée de pêcheurs Toucouleurs venus du fleuve Sénégal, qui introduisent l'usage des filets dérivants.

Les sardines : En début d'année et jusqu'en avril mai dans le Siné Saloum l'honneur revient à la sardines. Elles sont séchées et fumées puis exportées vers les pays limitrophes ou vendues sur les marchés locaux. Les filets de sardinelles hachés ne constituent pas un produit traditionnel, mais entrent dans la préparation de boulettes de poisson... Pêche à la traîne :

C'est un des moyens pour attraper le célèbre barracuda. Cet énorme poisson aux dents tranchantes , à la chair ferme est très combattif. Il faut l'appâter au rapala, puis lorsqu'il est pris lui laisser un peu de mou et le fatiguer, c'est une réelle bataille navale pour le remonter. Ce poisson carnassier est dangereux sur le bateau à cause de ses dents.

Pêche à soutenir : Bien ancré sur une fosse les pêcheurs pêchent à la canne des carpes rouges, noires, des capitaines, des otolites.... La « cueillette » des huîtres et des pagnes (coques à coquilles épaisses) : Cette activité est effectuée de décembre à mai par les femmes depuis la récolte jusqu'à la vente. Les huîtres vivent à l'état naturel sur les racines des palétuviers découvertes à marée basse. Elles sont rarement consommées fraîches, mais le plus souvent grillées au feu de bois. Une fois séchées au soleil les huîtres peuvent être conservées plusieurs mois.

Les crevettes :

Depuis l'installation d'une usine de traitements de crevettes à Ziguinchor de nombreux pêcheurs se sont convertis dans la pêche à la crevette. Tous les soirs, d'octobre à mars, les jeunes pêcheurs passent la nuit dans l'eau aux abords de la plage pour pêcher au filet des crevettes. De petites pirogues fines à balanciers sont placées dans le courant. Après une journée et une nuit de montée et de descente de marée les pêcheurs viennent relever leur filets. Certaines sont consommées comme tel alors que d'autres sont séchées.

L'aquaculture :

Le Sénégal a pratiqué l'aquaculture pendant plusieurs années, mais les résultats obtenus n'étaient pas très encourageants. Cette activité avait principalement lieu dans le bassin du fleuve Sénégal (élevage de tilapias), ainsi que dans les mangroves du Sine Saloum et de Casamance (ostréiculture). À ce jour, l'élevage de crevettes est davantage pratiqué à titre expérimental. Des contraintes techniques, économiques et administratives ont freiné le développement de l'aquaculture. Cependant, en janvier 2006, le gouvernement a inauguré un ambitieux projet en la matière dans un des trois bassins de Mont Rolland, situé dans le département de Tivaouane. Ce projet prévoit l'aménagement de 7 500 étangs de pisciculture en vue d'une production potentielle de 100 000 tonnes d'ici 2010.




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