Dakar, sur la presqu'île du cap vert, un des rares ports naturels du pays, capitale depuis 1958, est une ville jeune, dynamique, animée et nonchalante. Elle grouille de monde (environ deux millions d'habitants), de voitures ; « très classe » ou complètement cabossées, rafistolées de scotch ou de fil de fer, mais protégées de grigris en tout genre, comme la photo d'un marabout qui se balance autour du rétroviseur, ou un collier protecteur sous le volant... Je sillonne les rues à bord d'une de ces carcasses, sous un soleil qui m'écrase, au milieu des fumées des pots d'échappements, des klaxons, dans le brouhaha de la ville.... C'est un petit moment de pause. Il faut dire que l'arrivée à l'aéroport fut digne d'un jour de soldes aux « galeries Lafayette », bousculades, cris, négociation des prix pour les chariots, engueulade, bref plongeon....jusqu'au premier embouteillage où je peux enfin acheter un petit truc à manger aux vendeurs de rues, des noix de cajou, mon pêcher mignon. Un trésor au sein d'un petit sachet de plastique. Dès l'ouverture l'odeur envahie mes narines qui frémissent de désir. Elles sont juste dorées et croustillantes sous la dent. Le temps d'en manger un sachet et me voilà à Pikine.
Sensation étrange que de se sentir chez moi, à 5h d'avion de la maison, dans une famille où je ne comprends pas toujours les discussions, si loin de mes habitudes, de ma culture.
A 5h30 réveil en sursaut par le muezzin qui chante le premier appel à la prière. La maison est silencieuse, mot bien étrange quand on parle de l'Afrique. Edmond le petit dernier de la famille nous laisse encore un peu de répit.
Xalel poto-poto la, nooko raaxeh rek lay weyeh. L'enfant c'est de l'argile, il prend toujours la forme qu'on lui donne.
Puis vient le temps de la valse, des biberons, douches, brosses à dents, seaux, bassines, savon, grincements de la porte avec les entrées et sorties des enfants. Le réveil est chaud, moite, collant et grattant. Dehors la vie est toujours là. Elle ne c'est jamais vraiment arrêtée, juste suspendue un court instant sur le petit matin. Puis elle a repris ses droits, sonnante et trébuchante, colorée et forte. Difficile de s'extirper du matelas mousse à « mémoire de forme » sur lequel je dors. Allez, rien de tel qu'un grand pot d'eau froide versé sur la tête pour se réveiller. Mais ce matin j'ai oublié de remplir ma bassine, erreur de débutante et il n'y a pas d'eau, alors il faudra attendre le nescafé du matin pour ouvrir clairement les deux yeux. Un coup de balai, pliée en deux au bout de ce truc en paille et déjà Claire m'appelle, il est l'heure d'aller au marché. Claire est toute fière de se balader avec moi dans ce quartier populaire de la banlieue Dakaroise. Elle s'arrête fréquemment pour des salutations prolongées : - Nanga dèf ? - Mangi fi rekk - oui ça va bien, merci - inch allah - oui c'est une amie qui vient de France...
Sur les étals ses mains fouillent dans les tomates, les aubergines amères, les racines de manioc ou d'igname...puis c'est au tour du poisson ou du poulet et enfin aux condiments : oignons, ail, piment,... sans oublier un incontournable dans la cuisine Sénégalaise : le cube maggi ou jumbo pour épicer les viandes et poissons. Sans parler du riz ou plutôt du riz concassé, moins cher, mais qui remplace le mil dans les villes. Le marchandage est de rigueur surtout quand je suis à ses côtés et que le prix double ou triple....
Pendant l'hivernage le marché est très souvent inondé, la boue, les flaques, remplacent les étroites allées. De plus le nettoyage et l'enlèvement des ordures se font de moins en moins régulièrement, les odeurs qui s'en dégagent se mêlent à celles du poisson séché et à l'odeur acre de la viande fraîchement découpée. Ce jour-là, un groupe de femmes chante la tête enserrée d'un tissu rouge, signe de colère et de protestation contre l'insalubrité croissante du marché. Elles réclament ce que leur doit la ville, le nettoyage !
De retour à la maison, avec tout nos petits sachets de plastiques qui vont s'envoler et se ficher dans les branches d'acacia, s'entasser dans les rues, les mangroves...nous préparons le repas.
La journée se passe au rythme des corvées de lessive, de nettoyage, mais aussi au rythme des visites de la famille, des amis, des enfants qui vont et viennent. Ceci jusqu'au soir où après le repas nous nous installons avec Claire sur un petit banc dans la rue. Nos bancs bien enfoncés dans le sable devant la porte de la maison, nous discutons toute la soirée de trucs de filles, en écrasant les moustiques qui nous attaquent en cette saison des pluies. La chaleur est toujours aussi présente et nous essayons de nous rafraîchir un peu avec des éventails de paille tressée. Papoter entre femmes est une grande activité africaine vue que les hommes discutent politique, argent, voiture, football... en fait, de tout ce qui n'est pas très réjouissant, entre eux, autour d'un thé (ataya) ! Nous, nous « habillons nos hommes pour l'hiver... » comme seules les femmes savent le faire ! Vous savez sur les chaussettes qui traînent, les « j'ai oublié... ». Nous palabrons aussi de la vie difficile au Sénégal, mais surtout de la condition de la femme très marqué par le poids des traditions.....
Elle me traîne à un mariage, histoire de faire la fête un samedi soir, ...souvenir inoubliable ! La cérémonie commence par la messe à l'église. Notre Dame du Cap Vert est immense mais nous avons du mal à trouver une place assise. Les mariés écoutent attentifs, l'orchestre (tams tams) s'en donne à cœur joie. Ce qi frappe en passant le porche où les portes sont grandes ouvertes, se sont les couleurs. L'église est emplie d'un feu d'artifice de boubous, de robes longues, de tissus chatoyants, de tresses, ....Les Sénégalaises sont belles il n'y pas à tortiller. Elles sont grandes et portent le boubou avec une classe délectable. Sur le parvis de l'église il n'y a pas assez de place pour tout le monde et les photographes ne savent plus ou donner de la tête. Les talons des femmes s'enfoncent dans le sable mais ne change rien à leur digne port de tête. Les mariés s'éclipsent pour faire le tour de leur quartier et saluer tout le monde. Les invités se dirigent alors vers le lieu de la fête. Tout le monde s'assied à une table, pendant que les filles d'honneur servent les boissons. Un grand verre de jus de bouye au lait rempli de glaçons...Nous attendons le retour des mariés devant 2 petits fours. Ils arriveront 3h plus tard....Ils s'installent à leur table et la procession pour les cadeaux commence. La file s'allonge, chacun apporte son présent et félicite les nouveaux mariés. Le bouchon de champagne saute les mariées trinquent et saluent l'assistance en remerciant les amis avant d'ouvrir le bal....enfin...il est 23h. La fête commence...enfin pas tout à fait. Elle a commencé la veille avec de la musique, des boissons dans la maison de la mariée. Puis il y a eu le coiffeur, la maquilleuse, l'habilleuse et surtout les dernières recommandations des proches et des femmes plus âgées. Après la cérémonie officielle la fête continue au domicile de la mariée mais sans elle, car elle est entrée dans la famille de son mari, chez sa belle-mère...une autre vie !
Aujourd'hui nous sommes dimanche, j'ai laissé les enfants toute la soirée à la maison pour assister au mariage. Ils étaient ravis que je « les lâche un peu ». Nous rendons visite à la pouponnière des sœurs franciscaines de Dakar. J'ai plus de 30 kgs de vêtements pour enfants à leur donner. Nous avions fait une collecte avant notre départ avec l'école. Merci aux parents qui ont participé ! Les sœurs accueillent les enfants dès la naissance en général au décès de la maman. Le papa ne peut pas s'en occuper à cause de son travail et s'il n'y a pas une tante ou une grand mère, ils arrivent à la pouponnière jusqu'à l'âge de 2 ans environ. Lorsque l'enfant marche, il est un peu plus autonome, il est donc plus facile à gérer pour les familles. Environ 5% d'entre eux prendront le chemin de l'adoption. 90 enfants gravitent donc dans les locaux de cette pouponnière. Ils viennent de tout le pays, l'équipe donnant la priorité aux familles éloignées. Les enfants sont séparés par âge sur 2 étages. Ils disposent tous d'un berceau. Une salle est réservée aux activités motrices, ou intellectuelles comme la musique... L'équipe est composée d'une dizaine de personne, les stagiaires ainsi que les bénévoles sont toujours les biens venus.