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rafisa

stage de fin d'études au Bénin :

Dernière mise à jour : 2 sept. 2021


1996, stage d'infirmière de 3ème année. Nous sommes un groupe de 6 infirmiers à monter un projet de stage de santé publique au Bénin. Raphaël et un ami géomètres s'ajouteront au projet, pour l'aspect logistique, découverte du cadastre, IGN et autres structures locales, sans oublier le fait que ce soit notre voyage de noces.

Nous avions chacun des sujets différents qui nous interressaient. Pour ma part je voulais aider mais surtout apprendre "le soin" dans une culture différente, très traditionnelle, empreinte de vaudou. Le mélange entre la tradition (guérisseur, la matrone, la pharmacopée locale...), les coutumes et l'arrivée de l'aide extérieure (infirmiers, médecins, sage-femme..., CCS...). Comment ces deux pratiques subsistent. Est-ce qu'elles cohabitent, se lient, s'intercale...? Comment la population s'y retrouve ? Ils vont plus vers telle ou telle pratique ? Pourquoi ? Bref une foule de questions. Je ne les aborderais pas toutes sur ce blog. Certains sujets ne seront pas abordés par mesure de respect de traditions qui pourraient choquer certaines personnes.

Les dispensaires maternité sont livrés en "kit" par une ONG canadienne et répartis sur tout le territoire. Il y a une partie consultations pour l'infirmière, le médecin quand il est présent, et la sage-femme pour les consultations gynécologiques et les accouchements. Une partie est dédiée à l'hospitalisation (perfusion en cas de paludisme, accouchements...). nous sommes reliés par la radio. Une grande partie du travail sont les vaccinations et le suivi des enfants (poids, taille, périmètre crânien...).

Il y a également un lieu pour les causeries. Les femmes se regroupent autour d'un professionnel de santé pour recevoir une éducation à la santé. Les sujets sont divers : Alimentation, vaccination, contraception, travail, argent, prévention des pathologies (comment filtrer l'eau, comment se protéger du vers de guinée...)

Lors des consultations l'infirmière ou la sage-femme font les diagnostics et prescrivent des traitements que le patient ira chercher à la pharmacie, ou malheureusement parfois au marché. Les médicaments sont vendus en sachets sans nom, sans date de péremption, et sont identifiés en fonction de leur couleur. C'est un énorme travail que de faire de la prévention contre tous ces revendeurs. Les consultations sont payantes tout comme les accouchements. Le seul traitement donné systématiquement pour toute femme enceinte étant le fer pour limiter l'anémie et la chloroquine contre le paludisme. La sage-femme donne des conseils diététiques, d'hygiène de la grossesse, sur le travail dans les champs... Toute consultation est prétexte à faire de la prévention et de l'éducation à la santé.

Toute femme qui vient accoucher, vient avec sa bassine en plastique pour récupérer le placenta. Il sera enterré pour permettre à l'enfant de vivre et d'avoir des forces. Elle accouche, reste 24h et repart chez elle.

Le nombre d'enfants par femme est d'environ 7.

Les problèmes de santé sont multiples. La malnutrition en fait partie. Une campagne était faite pour l'allaitement maternel, les lobby économique ayant prôné le lait infantile en poudre pendant des années, il est difficile de revenir à la tradition. Les enfants ne mangent pas de légumes verts car ils sont trop chers tout comme la viande. Le rôle des dispensaires est la promotion de la santé par la femme au sein de la famille. Des campagnes de vaccinations et de suivi sont lancées régulièrement pour aller dans les villages les plus reculés. Les matrones qui faisaient les accouchements dans les villages sont formées au métier de sage-femme quand c'est possible. pour quelle garde leur métier mais en ayant plus de connaissances.

Les Acteurs Villageois de Santé travaillent dans des lieux reculés où il n'y a pas de dispensaire. Ils sont peu formé mais doivent savoir lire et écrire pour remplir des fiches de renseignements, faire un recensement des femmes et des enfants. Donner des traitements en fonction du diagnostic qu'ils ont établi. Ils peuvent le faire grâce à un cahier à onglets qui associe des symptômes pour arriver à une pathologie et à un traitement. Malheureusement la difficulté est l'apport de traitement. Il y en a peu et les patients ne font pas des kilomètres pour aller à la pharmacie.

Un jour un homme est arrivé avec une fracture ouverte. N'étant pas formé pour ce soin, je lui dis que je ne sais pas le faire et qu'il faut que je l'évacue à l'hôpital. L'homme refuse en me disant que je suis blanche et donc que je dois savoir faire. Il refuse catégoriquement d'aller à l'hôpital. Je demande à la personne qui soignerait ces blessures si je n’étais pas là. Il me dit le guérisseur. Je l'accompagne donc. Le guérisseur réduit la fracture par manipulation fait un pansement qui me fait dresser les cheveux sur la tête puis fait une attelle. 2 jours après je vais voir l'homme chez lui. La plaie ne me plait pas et je décide de refaire le pansement, mais je fais venir le guérisseur, pour qu'il voit et qu'on échange à ce sujet. C'est toujours très difficile d'apporter quelque chose sans froisser la culture et le respect d'une personne, qui est de plus très importante dans le village. Nous finissons par être d'accord et boire un peu de bière de mil, pour célébrer notre nouvelle collaboration !

Je ferais mon premier accouchement de nuit, dans un dispensaire, avec une primipare. Le plus grand stress de ma vie, avec mes gants mapa rose bonbon qui remontent jusqu'au coude, une boite en fer avec une pince, une lame de rasoir, un peu d'alcool et des allumettes pour désinfecter le tout. Une expérience unique qui c'est finit par la naissance de jumeaux. La maman étaient bien plus calme et courageuse que moi !

Les Béninois sont partagés entre la tradition et la "modernité", en fonction de leur porte monnaie, mais aussi du lieu d'habitation. Les villages reculés ont difficilement accès aux soins. Les choses évoluent, changent. Le gouvernement essaie de bouger les choses, d'amener les soins au plus profond du pays. Comme dans beaucoup de domaines, il est difficile aussi pour eux, de jongler entre tradition, modernité, pauvreté, développement, accessibilité, transport, condition de la femme...

Ce stage s'est poursuivi et terminé avec une épidémie de choléra. Tous les petits Yovo (blancs) que nous étions avons avalé une quantité hallucinante d'antibiotique et acheté une même quantité de désinfectants en tout genre. A l'hôpital on nous disait que c'était rien, que les Yovos avaient peur du choléra. Ben oui ! Nous nous battions pour mettre en place des mesures d'isolement, de ces malades, des autres, mais aussi des familles, faire un relevé du lieu pour agir directement sur place, mettre en place des mesures d'hygiène drastiques, bref une bataille en ordre rangé, que nous avons finit par gagner mais à force de discussions, de persuasion, de travail acharné.

Un beau voyage, pas de tout repos surtout pour un voyage de noces. Riche en apprentissage, en rencontres extraordinaires, en dépaysement... une belle claque que cette première en Afrique, mais avec une furieuse envie de revenir sur ce continent.

Fabrication de l'huile de palme dans le village de Boko

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