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rafisa

Invitation en pays Bédik

Dernière mise à jour : 13 mai 2020


Après 13h de 7 places, dans lequel la touffeur de l'air semblait avoir encore augmenté nous arrivons à Kédougou. A l'arrivée, la toubab que je suis fait rire les villageois. Je sors un gilet parce que j'ai froid ! Nous avons bien perdu quelques degrés, il ne fait plus que 30°C. Nous sommes à l’extrême sud-est du Sénégal, dans une région préservée qui abrite des ethnies aux fortes traditions animistes : les Bediks, les Bassaris, …

Le relief consiste en une série de petits massifs recouverts de savane arborée, culminant à plus de 400 m et constituant les plus hautes altitudes du Sénégal. Ces blocs impressionnants de pierre, au milieu desquels les Bediks (gens de la dolérite) ont construit leurs villages, constituent une protection naturelle efficace. Ces pierres de dolérite qui entourent leurs maisons ont protégé jadis leurs ancêtres et accueillent encore aujourd'hui leurs sacrifices.

Le département de Kédougou est relié au reste du pays par une bonne route jusqu'à Tambacounda, et une mauvaise jusqu'à Kaolak et Dakar. Ce précaire cordon ombilical est le seul moyen de contact routier, assurant le mouvement des denrées et des personnes, ce qui explique l'isolement de la région. Les frontières proches du Mali et de la Guinée sont les portes d'un important mixage de population grâce aux mouvements migratoires des Malinkés du Mali, des Peuls du Fouta-Djallon...

Les Bediks, tout comme les Peuls de la région pratiquent l'agriculture, un peu d'élevage et de chasse de façon plus rare à cause du peu de terre encore vierge de plantation. La production suffit rarement à assurer la consommation pendant l'année entière. Mais leur technique agraire de rotation des lots, de jachère, de brûlis contribue à leur procurer une terre assez riche. Les plantes vivrières cultivées par les Bedik sont les mêmes que celles que cultivent les autres populations de la région : arachide, fonio, maïs, haricot, riz quelques manguiers, mil. Celui-ci sert également à la confection de différentes sortes de bières de mil, qui constituent un élément capital dans les rituels, les cérémonies et les travaux collectifs. La viande constitue un aliment rare.


Après un arrêt au village Peul d'Ibel dans la vallée, nous grimpons vers les villages Bédiks. Il y a 7 villages tous en haut des collines. Il fait chaud, nous avançons dans un village de petites cases de terre (eau et argile) au toit de chaume. Elles sont blotties les unes contre les autres comme si elles voulaient se réchauffer.

Le village est entouré de verdure, arbres, champs de maïs, herbe de couleur vert tendre des premières pluies de l'hivernage. Nous descendons au cœur du pays Bédik par un étroit chemin de terre rouge serpentant entre les rochers. Nous sommes accueillis par Jean-baptiste qui nous fait assoir à l'ombre dans sa petite cour. Les femmes pilent le maïs, le rythme lent mais régulier des pilons ponctuent notre conversation. Une mamie les narines percées d'un piquant de porc épic nous salue de son sourire édenté. Elle sort d'une case juste à côté de celle de notre hôte. Jean baptiste nous explique que tout le monde ne vit pas dans la même maison, mais que les filles ont leur case, ainsi que les garçons, les vieilles, ainsi que le couple. Les familles possèdent une case grenier pour entreposer les céréales mais aussi toute sorte de matériel. Le village d'Iwol dans lequel nous séjournons compte 523 personnes, organisées en 4 familles. Jean-Batiste Keita : prêtre, pharmacien, adjoint du chef du village, traducteur et enseignant, nous présente son village et ses habitants. Je vous laisse écouter l'explication de la création du village :



L'année est rythmée par différentes fêtes qui marquent les saisons et les grandes étapes de la vie. (Fête de l'initiation, fête de la fécondité et de la fertilité, fête de la puberté, fête des récoltes...). Eyambest la fête de la puberté pour les jeunes filles non mariées et n'est célébrée que chez les Biwol. Le chef religieux « réveille »

l'esprit pour que les masques puissent sortir pendant la saison des pluies. Les jeunes filles sont parées de magnifiques coiffures dont les éléments ont tous une signification. La ligne de cauris blancs qui va du front à la nuque est un symbole de fécondité commun à tous les Bedik, c'est signe de bonheur. La jeune femme qui danse pour la première fois porte des deux côtés de la tête, au-dessus de l'oreille, des perles rouges terminées par un anneau. Les pompons rouges et les clochettes servent à éloigner les sorts d'un mauvais génie, dont on ne doit pas prononcer le nom. Les jeunes filles de tous les villages Bédiks sont réunie pour l'occasion. Elle arborent de magnifiques coiffures sophistiquées mais aussi des colliers en fonction de leur richesse. Elles attendent le début de la fête. Celle-ci commence par l'attente de la sortie des masques. L'effervescence est à son comble, l'excitation palpable. Les filles attendent la sortie des masques mais ne savent pas où 'ils vont apparaître. Certaines courent dans tous les sens, d'autres sont placées aux endroits stratégiques sur le chemin. Le but est d'arriver la première devant le masque car celle qui aura ce privilège sera bénie.

C'est une vraie course où tous les coups sont permis. Lorsque le premier masque est là, la tension retombe et elles prennent un repas ensemble. En premier les plus jeunes goûtent au Domi, plat traditionnel préparé pour l 'occasion,.Aujourd'hui aucun garçon ne mangera avec elles dans le plat. Les boissons (à base de mil) qui sont dans la case sont réservées aux jeunes filles habillées de blanc, c'est à dire à celles qui sont en âge de se marier. Puis la fête peut commencer, nous nous dirigeons tous vers le baobab sacré. Les filles entonnent des chants, elles tapent des mains et des pieds. Les clochettes résonnent, la terre tremble sous leur pas rythmés. Les masques sortent alors les uns après les autres de leur cachette pour venir danser au milieu des jeunes filles qui redoublent de ferveur.

Certaines jeunes femmes montent sur un rocher pour signifier à tous qu'elles sont en âge de se marier. Le chant durera 1h puis nous nous déplaçons sous un autre arbre plus prés du village où les chants reprennent. Chaque chant dure 1h et ce durant la journée entière. Le grand chef-d'orchestre de cette cérémonie traditionnelle est le marabout du village, qui surveille d'un œil averti et avisé le bon déroulement des festivités. Ivres de couleurs et de sons,parcourus de frissons, tout notre être est à l'écoute de la Terre.



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